Au Burkina Faso, l'or ne brille pas pour tout le monde
En quelques années, le Burkina Faso s’est hissé au 4e rang des pays africains producteurs d’or. Depuis 2008, l’or dope l’économie de ce petit pays sahélien. Mais le pays reste l’un des plus pauvres, un paradoxe saisissant dans les localités minières. A l’ombre des industries minières, la pauvreté persiste dans les villages malgré quelques réalisations sociales. L’or ne brille pas pour tous les Burkinabè.
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Des agriculteurs inquiets pour l’avenir
Kalsaka, au Nord-Ouest du Burkina Faso. Dans cette bourgade distante de 150 Km de la capitale, 50 000 âmes dorment sur une mine d’or. La mine d’or de Kalsaka, exploitée par Amara mining Plc. Cette compagnie britannique extrayait un gisement estimé à 20 tonnes de réserve. Aujourd’hui, la société arrête ses activités. Mais à Kalsaka, presque rien n’a changé dans la vie des populations. Pire, des des agriculteurs ont perdu leurs terres… et leur avenir.
En 2006, à l’inauguration de la mine, les espoirs étaient immenses. Aujourd’hui les populations de Kalsaka déchantent. Ils sont préoccupés par l’avenir de leurs activités traditionnelles, durement touchées. Comme l’agriculture. Les Sawadogo sont une famille autochtone de Kalsaka. La fratrie a vu s’implanter la mine en 2006. Ils ont dû céder leurs terres à la société, contre une indemnisation, pendant les cinq premières années. Chef d’une famille de 31 personnes, Sawadogo Kogda a perçu pendant sept ans, 437 000 francs par an pour ses terres, récupérées pour des logements.
La mine a continué ses activités jusqu’en 2014. « Nous avons reçu de l’argent pendant cinq ans, quelques-uns pendant sept ans. Mais ces sommes ne pourront pas remplacer nos terres, qui appartiennent à plusieurs générations », explique Salam. La société a consenti finalement, en décembre 2014, à verser une dernière tranche d’indemnité. Malgré tout, l’avenir pour ces agriculteurs reste sombre. « Nous ne sommes pas sûrs que nous pouvons reprendre encore nos terres après le départ de la mine. Il sera impossible d’y pratiquer encore l’agriculture » s’alarme Sawadogo Salam.
Une jeunesse dans la longue attente d’un emploi
Essakane. Une localité du Sahel. Elle abrite la plus grande mine du Burkina, exploitée par Essakane SA, propriété de la compagnie canadienne IAM Gold. La mine est implantée sur un ancien site d’orpaillage devenu un village.
Relogés à 10 km de la mine grâce à la société minière, les villageois ont pour la plupart abandonné l’orpaillage et dépendent plus de la société minière.
En plus d’avoir relogé plus d’un millier de personnes, la société a beaucoup investi dans les infrastructures. Pourtant, commente Aboubacar Soumana, un ex-conseiller municipal: « Il y a des infrastructures, mais le niveau de vie a baissé et la dépendance vis-à-vis de la mine s’est accrue. » Notamment en matière d’emplois.
Hama Maiga est un ancien orpailleur à Essakane. Un des plus chanceux, embauché quelques fois à la mine. Pour ce jeune retombé dans le chômage, comme pour beaucoup d’autres jeunes de ce village, la longue attente d’un emploi à la mine vire au désespoir.
Pour les populations locales, le chemin de l’emploi passe par la formation. Mais, selon les compagnies, former les jeunes n’oblige pas à les employer. « C’est vrai qu’ils nous ont on formé, mais que vaut une formation si c’est pour revenir chômer ici ? » s’interroge une fille de la localité, formée à la conduite des gros engins.
Au-dela des chiffres
En fin décembre 2012 on estimait à 5715 le nombre emplois permanents créés par les compagnies minières au Burkina Faso. Le nombre de nationaux était de 3 795, soit 73,2% du total des employés permanents.
Le salaire moyen d'un employé ouvrier d’une société minière comme la Société des mines de Bélahourou (SMB), selon la direction, est de 545 000 FCFA et un cadre moyen touche à peu près 2 000 000 FCFA.
On estime à 33 tonnes la quantité d’or fin produit au Burkina en 2013. Pour la même année, l’extraction minière a apporté 184,95 milliards à l’État, en terme de taxes, et contribué à 9% au produit intérieur brut. Au même moment, le niveau de vie des Burkinabè n’a pas vraiment évolué. Le pays oscille aux dernières places du classement du PNUD, pour l’indice de développement humain.
En janvier 2014, l’ex-ministre des mines, Lamoussa Salif Kaboré, déclarait : « Au-delà de ces chiffres, il faut noter que des débats ont cours sur l’équité de la répartition des retombées de l’exploitation minière. […] L’enjeu pour l’Etat burkinabè réside dans la définition d’une politique minière qui prenne en compte d’une part, les intérêts des investisseurs et les risques qu’ils encourent et d’autre part, les intérêts du pays et des régions qui abritent les mines et les risques encourus. »
Kalsaka illustre, parmi une dizaine de mines du pays, le paradoxe d'un pays riche en ressources minières, et dont les habitants sont restés pauvres. A quand la fin de cette injustice, pour que l’or brille enfin pour tous les Burkinabè ?
*Ce projet a été réallisé dans le cadre du concours African story, initié par African media initiative. Il a inspiré le film documentaire "Pas d'or pour Kalsaka" du réalisateur Michel Zongo.